Daniela Mélé : "le Grand Steeple-Chase de Paris 2024 est l'objectif de Rosario Baron"
Ce dimanche 21 mai, Rosario Baron et Johnny Charron ont remporté le Grand Steeple-Chase de Paris pour l’entrainement de Daniela Mélé. Après Isabelle Pacault et Louisa Carberry, elle devient la troisième femme à décrocher cette épreuve reine.
par Humbert Chloé le 24 mai 2023
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Après avoir été employée chez des entraîneurs comme Thierry Civel et Guy Chérel, elle s’est installée à Gavray (Basse-Normandie) en tant qu’entraîneur. Seulement cinq ans après son installation, Daniela Mélé vient de seller son premier gagnant de Groupe I. Et quel Groupe I, puisqu’elle s’est adjugé la plus belle course de l’année : le Grand Steeple-Chase de Paris édition 2023 avec Rosario Baron, un cheval né en Mayenne. Quelques jours après sa victoire dans l’épreuve reine dans la discipline de l’obstacle, Daniela Mélé est revenue avec nous sur son triomphe.
Comment avez-vous vécu la course ?
Pendant la course j’étais dans la tribune au poteau d’arrivée : c’est là que tout se passe. J’étais avec ma fille et entourée de mes salariés. C’était très émouvant. Je n’ai pas eu de frayeur pendant la course c’était génial, on a crié évidemment. D’ordinaire, je préfère le terrain plus souple voire lourd, mais j’ai bien vu que cela ne convenait pas à mon cheval. Il préfère quand c’est un peu plus ferme. Quand j’ai vu la météo, j’étais plutôt confiante, je savais qu’il serait à l’aise. À partir du dernier tournant, j’ai vu la chance d’arracher une belle place. Mais je pensais qu’on était parti un peu trop tôt. Finalement il a accroché Gex, ils ont sauté dans la même foulée et entre les deux dernières haies, je me suis vu une vraie chance pour la victoire. Mon cheval a remis une petite foulée devant les deux dernières difficultés, il était fatigué mais est reparti sur le plat, au courage. Comme me l’a dit son jockey, seuls les cracks sont capables de faire cela.
Comment s’est déroulée la préparation de Rosario Baron ?
J'ai toujours géré les engagements en fonction du cheval, ses envies comme ses soucis de santé. Il est toujours compétitif à Pau, il y a très bien couru il y a deux ans avant de revenir à Paris et de se blesser. Ensuite il est retourné sur l'hippodrome Pallois cette année et en est reparti victorieux. Ensuite il a eu une course moins bien en terrain collant et je me suis un peu remise en question mais après il a gagné le Prix Gaston Phoebus. Ensuite il est parti sur les préparatoires au Grand Steeple. Il a fait une véritable démonstration peu après dans le Prix Troyown. Il est fringant, il l’a fait devant et de tout une classe. Là on s’est dit qu’on pouvait viser le Grand Steeple. Je voulais l’emmener frais sur le Grand Steeple, mais je connais mon cheval et je ne voulais pas l’épuiser sur une course à Auteuil juste avant. J’ai opté pour une course de haies à Compiègne. Pour parfaire sa préparation, il est allé à la plage vendredi dernier près de Granville. À part cela, sa préparation était identique à d’habitude. Il travaille très bien avec sa cavalière d’entraînement, Alex Bouvier.
Qu’avez-vous prévu pour la suite de sa carrière ?
Pour la suite, je ne sais pas encore. Pour le moment, le cheval est en vacances. Il a l’œil éveillé et envie de sortir du box. Il est en pleine forme comme s’il n’avait pas couru. Il n’a pas pris dur dimanche et est bien réhydraté. Un peu plus tard, éventuellement à l’automne, il courra si le terrain n’est pas trop lourd. Cependant il restera en région parisienne, l’objectif n’est pas le meeting de Pau, même s’il ira sûrement, pour lui faire du bien au moral. J’adore Pau, les chevaux ne prennent pas dur et ça permet de fabriquer des bons chevaux lorsque l’on va courir là-bas.
L’objectif reste le Grand Steeple de l’année prochaine. Il vient de nous prouver qu’il est véritablement un cheval de Grand Steeple.
Quelle est l’histoire de ce cheval ?
Rosario Baron est issu de la seule poulinière de ses éleveurs. Ces derniers sont très proches de leur cheval. Avec une seule poulinière c’est très rare de voir une telle réussite, ils étaient aux anges, c’était un rêve pour eux. Rosario Baron est arrivé chez nous car Guy Chérel silionne la France à la recherche de jeunes chevaux chaque année. Un jour, il a vu un foal qui lui plaisait et l’a acheté. Nous l’avons nourri et élevé en groupe. Si physiquement il était tout petit, il a un mental impressionnant et il et très dur. En trois mots, il est attachant, courageux et phénoménal.
Le tandem Rosario Baron / Johnny Charron vous a paru être une évidence ?
Avec Johnny, on se connaît depuis longtemps, nous étions tous deux salariés lorsque l’on s’est rencontré. On sautait les chevaux ensemble aussi quand j’étais cavalière d’entraînement. On était très jeunes, après il a mené sa carrière et je le voyais moins. Dernièrement, il se refait une jeunesse et on s’est retrouvé. Avec James Reveley et Kevin Nabet sur la touche, je n’avais pas trop de choix dans les jockeys. J’avais contacté Baptiste Le Clerc mais il avait un partant dans le Grand Steeple pour l’entraînement Lagesneste et Macaire (Altesse du Berlais). Alors j’ai demandé à Johnny s’il pouvait le monter. Il est d’abord venu le monter lors de sa dernière sortie sur les haies à Compiègne pour apprendre à le connaître. Il a monté une course formidable. Je n’ai même pas eu besoin de donner d’ordres. J’admire Johnny pour sa monte, son analyse des chevaux et des courses. Alors on a continué avec lui sur le Grand Steeple. Dimanche avec les bouchons du long week-end je suis arrivée tout juste avant la course et j’ai retrouvé Johnny au rond. On était très contents de se voir, c’est formidable de travailler avec des jockeys comme lui. Je n’ai pas besoin de donner d’ordres, il savait quoi faire.
Vous faites partie des rares femmes à avoir remporté cette épreuve, comment vivez-vous cette victoire ?
C’est énorme et je commence seulement à réaliser que j’ai remporté le Grand Steeple-Chase de Paris. J’en avais rêvé, c’était un objectif dans ma carrière d’entraîneur. J’étais toujours un peu déçue chez Guy Chérel car les chevaux étaient exportés jeunes, on ne gagnait pas de Grand Steeple. Là j’ai gagné tôt dans ma carrière, en gravissant les échelons petit à petit. Rosario Baron n’a pas été exporté et est resté sous mon entraînement, c’est aussi grâce à cela. Je ne fais pas de différence entre le fait d’être un homme ou une femme. Le tout c’est d’avoir l’œil pour voir les chevaux, de savoir gérer une équipe, c’est plusieurs métiers en un. Avant, j’étais 1e garçon donc je connais la gestion du personnel et j’aime les chevaux, c’est la clé. Tous les matins je suis à cheval, j’adore monter et sentir les chevaux. Mais il me semble important d’être à pieds sur les pistes pour prendre du recul. Pour moi, il est primordial de laisser mes cavaliers monter, d’apprendre à déléguer, on ne peut pas tout faire en même temps. J’ai 45 chevaux à l’effectif maintenant en plus des jeunes au débourrage pré-entraînement.
Qu'avez-vous pensé de l'ambiance d'Auteuil en ce jour de Grand Steeple ?
L’ambiance à Auteuil était formidable ! C’est dommage qu’il n’y ait pas plus souvent autant de monde. J’ai vécu une course extraordinaire dans tribunes avec la Marseillaise. En tant que Suisse, je ne la connais pas encore parfaitement mais que je me dois de apprendre de bout en bout maintenant !"